Costume d’Artense et des terroirs voisins -
Particularisme d’une appartenance identitaire
(1790 à 1950)
Nous collectons toutes vos photographies de femmes en coiffes d'Artense mais aussi des terroirs voisins, afin de les préserver et d'appréhender leur utilisation. Les écrits sont réalisés par
Thierry BONHOMME que vous pouvez suivre sur sa page facebook.
N'hésitez plus à nous contacter !
Vos photographies ont tellement à dire...
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SINGLES (63) :JOURSAC vers 1935 - Photographie collection D.M
Je vous présente Guillaume LATU et son épouse Marie MABRUT cultivateurs à Joursac.
Marie est née aux Borderies , commune de Singles, le 20/10/1868 . Sur ce portrait , elle arbore fièrement son bonnet-rond parfaitement amidonné . Ce dernier est porté relativement bas sur le front mais laisse ,malgré tout , apparaître les bandeaux de cheveux. Comme toutes les femmes de sa génération , Marie a choisi une coiffe à simple rang de tuyautés de gros diamètres.Le reste de la tenue est simple et discrète , à la mode du moment . Une jolie broche ancienne vient malgré tout enjoliver l'ensemble.
Guillaume quant à lui est tauvois , né au Mas le 27/02/1864 .Sa maison natale existe toujours ; et bien qu'elle soit habitée depuis longtemps par des MANRY (parents par alliance) , les personnes âgées continuent aujourd'hui ,pour la désigner , à dire : chez Latu.
Pour se rendre chez le photographe , Guillaume a revêtu un costume de coupe moderne qu'il a selon toute vraisemblance fait confectionner récemment .
Une mention particulière pour les motifs du carton sur lequel est fixée la photographie.
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BAGNOLS (63) : MARIAGE, le 13 janvier 1925 - Photographie anonyme Collection Josiane PLANTARD
En ce mardi 13 janvier 1925, il est presque 10h30, Lucie Marie Laurence GRAVIERE et Jean MESURE viennent de s'unir civilement devant monsieur le maire de BAGNOLS (63).
Lucie est née le 09 Aout 1907 à Heume l'église (63), et réside avec ses parents à Juilles de BAGNOLS (63). Jean quant à lui, a poussé son premier cri le 09 novembre 1894 à la Guinguette, commune de SINGLES (63).
Tandis que les cloches de l'église sonnent à toute volée, nos mariés et leurs invités prennent la pose devant la mairie-école, pour la rituelle photo de groupe.
On est bien loin des grandes noces d'avant-guerre, ils sont 26 convives, dont 5 enfants répartis sur trois rangs. Assis devant, les mariés, leurs parents et grands-parents, ainsi que les enfants, que l'on a confiés aux ainés. La petite tout à droite, a pris place la dernière, pour lui permettre de s'assoir à l'extrémité du banc, tout le monde s'est décalé en se serrant sur la droite. Notre mariée se retrouvant ainsi coincée de façon assez inconfortable entre son époux et son père. Même si on n'est pas nombreux, on compte bien s'amuser et surtout danser, aussi a-t-on réservé les services d'un violoneux. Regardez-le, au troisième rang à droite, tenant haut son violon afin qu'il soit bien visible. Ce n'est pas tant sa personne qu'il faut voir sur la photographie mais bien sa fonction. L'instrumentiste doit toujours être en bonne place et facilement repérable sur le cliché. Accroché à la touche de l'instrument voici le large ruban, qui a été offert au musicien par la demoiselle d’honneur. Ce violoneux reste à ce jour non identifié, il est jeune, de la même génération que les mariés. Il est fort probable que l'on trouve à son répertoire outre les sacro-saintes bourrées et autres valses les danses à la mode, telles le Charleston ou la java.
Respectant la tradition, presque tous les invités portent à leur revers, la petite livrée blanche que l'on appelle "lebreille" en Artense. C'est en quelques sortes un signe de ralliement, qui marque les participants de la noce, en les distinguant du commun des mortels.
Intéressons-nous aux vêtements si vous le voulez bien. Lucie porte une robe blanche à la mode du moment. Après la guerre, les jupes ont raccourci et les corsets ont été jetés aux orties libérant ainsi les femmes. A vrai dire c'est pendant la guerre que s'était amorcé le processus ; les femmes avaient remplacé les hommes partis au front, exerçant toutes sortes de profession .Il avait bien fallut se rendre à l’évidence, le vestiaire féminin d’alors, véritable carcan ne permettaient pas aux femmes de réaliser les nouvelles tâches qui leur étaient assignées. La robe de la mariée est à manches longues, nous sommes au cœur de l'hiver. A ce propos, il semble bien que le mois de janvier 1925 ait été fort clément, pas la moindre parcelle de neige à Bagnols (situé à 900 m d’altitude) en ce 13 janvier. Le temps est par ailleurs sec, puisque le sol n'est pas boueux et que les chaussures des invités ne sont pas crottées. Mais revenons à notre mariée, des bas et des chaussures blanches complètent sa tenue, sans oublier une paire de gants. Dans ses cheveux, un diadème qui ne semble pas être de fleurs d’oranger. La mode en est passée.
Le marié étrenne pour l'occasion un costume trois pièces de couleur noire. Le gilet dégage largement le plastron de la chemise. Une cravate blanche apporte une touche d'élégance. Notre homme ne porte pas de gants, ou peut-être les a-t-il retirés ; ses chaussures sont impeccablement cirées.
Sur 12 femmes adultes, 5 sont en coiffes. Je vais vous les présenter. Allons de la gauche vers la droite. Voici tout d'abord Françoise BENEZY, épouse MESURE, elle est la mère du marié. Elle est née à SAINT-ETIENNE AU CLOS (19), le 8 décembre 1871, et a passé sa vie à SINGLES (63). Elle porte un bonnet-rond à un rang de tuyautés de gros diamètre. Sa coiffe est portée très en arrière et les tuyaux sont relativement longs. Françoise a partagé sa chevelure par une raie médiane. On ne distingue pas bien sa tenue, il s'agit probablement d'un ensemble jupe et veste datant d'avant-guerre. Elle porte un foulard noué autour du cou.
Toujours au premier rang, voici Marie-Anne GRAVIERE, la grand-mère paternelle de la mariée. Remarquez comme sa coiffe est différente de celle des autres femmes. Marie-Anne est née le 13 aout 1843 à SAINT-SAUVES (63), elle est demeurée fidèle à la mode de ses jeunes années, sa coiffe a deux rangs de fins tuyautés est suffisamment profonde pour masquer entièrement sa chevelure. Sa tenue est de couleur noire. Sur ses épaules une petite cape qui semble en fourrure. Elle porte un tablier par-dessus sa jupe. Elle a noué un large ruban autour de son cou.
A sa gauche voici sa belle-fille Marie SERVIERE épouse GRAVIERE, née le 8 mai 1876 à LA TOUR D'AUVERGNE (63). Marie est la maman de la mariée. Sa coiffe est de la même mode que celle de Françoise BENEZY. Elles ne sont pourtant pas semblables, les tuyaux sont beaucoup plus courts pour le bonnet de Marie. Ces différences d'une coiffe à l'autre étaient le reflet des gouts de chacune, mais aussi du savoir-faire de la lingère qui les avaient confectionnées. Observez attentivement, Marie n'est pas non plus coiffée comme la maman du marié. On a du mal à apprécier les détails de sa tenue, elle est elle aussi vêtue d'un ensemble jupe et veste d'avant-guerre. Sur ses épaules, le grand châle noir que l'on appelle "châle à quatre"; habituellement marqueur du deuil, il ne semble avoir été utilisé dans ce cas précis que pour se prémunir du froid car Marie ne porte pas une coiffe de deuil.
Au deuxième rang, se tient Marie Gravière, tante de la mariée. Marie fait, elle aussi, partie de la dernière génération de femmes à avoir porté la coiffe; elle est née le 9 juillet 1874 à SAINT-SAUVES (63). Sa façon d'agencer ses cheveux sous son bonnet-rond est encore différente. Cette fois, pas de raie médiane, les cheveux sont tous simplement tirés en arrière et rassemblés en un chignon plat.
Deux jeunes femmes sont coiffées de grands chapeaux, tandis que les autres sont "en cheveux". Les tenues sont à la mode du moment.
Coté messieurs, on ne peut que constater le succès de la moustache ; sur 10 hommes, seulement 2 n'en arborent pas. Les enfants sont habillés chaudement, presque tous sont munis d'un couvre-chef. En quelques minutes le photographe a terminé son travail et la photo est dans la boite. Il est grand temps pour le cortège de se reformer derrière le violoneux, monsieur le curé n'aime pas attendre !
L'issue de la cérémonie religieuse, le cortège se remettra en ordre de marche derrière le violoneux ; alors commencera la tournée des nombreux cafés du village. On boira à la santé des mariés dans chacun d'entre eux, en prenant garde de n'en oublier aucun. A chaque fois on tournera une valse ou plaquettera une bonne bourrée. Autant vous dire que l'après-midi sera déjà bien entamé quand tout ce petit monde passera à table. Mais les agapes ne font que commencer, elles s'achèveront tard dans la nuit pour les plus téméraires quand ils auront sortis les jeunes mariés de leur lit pour leur faire déguster l'improbable contenu du fameux "pot de chambre".
MESURE Jean (1894- 1969) et
GRAVIERE Lucie Marie Laurence (1907-1977)
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Nos mariés prennent ainsi la pose devant un photographe ambulant, quelques temps après la noce.
La grand-mère paternelle de Jean, Anne GAY, est née le 27/06/1843 à Larodde où elle a épousé Jean MESURE de Singles, le 01/06/1867.
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TREMOUILLE SAINT-LOUP (63) : PORTRAIT - Photographie anonyme . Collection M.B
Voici Antoinette ASTIC , épouse THALAMY , née à Leyval , commune de TREMOUILLE SAINT-LOUP (63) le 31 octobre 1844 . Demeurant toujours à Leyval , chez son fils , d’après le recensement de 1921 , elle ne figure plus sur celui de 1926 ; on peut donc supposer qu’elle est décédée entre temps.
Antoinette est ici, immortalisée , assise sur son fauteuil paillé . On a sorti ce dernier du cantou , ou il se trouve habituellement , pour le placer devant la façade de l’oustau. L’orientation plein sud de la maison, offrant le meilleur ensoleillement possible pour la réalisation du cliché.
Comme vous le voyez , point n’a été nécessaire à notre aïeule de se rendre chez SULLY à Bort les Orgues , pour se faire photographier . Elle a certainement profité ,de la tournée de l'un des nombreux photographes ambulants qui sillonnaient alors notre contrée. Après s'être mis d'accord sur le prix pratiqué , ainsi que sur les délais et les modalités d'expédition des clichés , l'homme de l'art a installé son appareil tandis que le fils d'Antoinette sortait la fameuse bergère devant la porte. Pendant ce temps , notre modèle du jour revêtait sa plus belle tenue.
Admirez la , maintenant qu'elle a pris place ,face à l'objectif. Elle est toute de noir vêtue , comme il en est alors de coutume , pour une femme âgée , veuve de surcroit. Sa coiffe est à la mode de son jeune temps avec ses deux rangs de fins tuyautés . Ces derniers sont plus longs sur les oreilles . Aucun cheveux ne dépasse du bonnet . Antoinette a pris soin d'épingler par dessus sa coiffe , une pailhole de couleur noire , agrémentée d'un large ruban de velours de soie , dont les deux pans pendent sur ses épaules.
On ne distingue de sa robe de cotonnade , que les manches aux poignets "chemisiers" . Croisé haut sur les épaules , un fichu de laine , bordé de franges .Par contraste avec le noir du châle , on voit parfaitement le blanc du fichu de dessous. Ce dernier , destiné à protéger le fichu de dessus de la salissure , à absorber la sueur , ainsi qu'à empêcher l'ensemble de glisser , est aussi appelé fichu de propreté. Antoinette a épingler son châle de façon à laisser apparent un liseré blanc , ce qui est du meilleur effet.
Un vaste tablier complète l'ensemble. Les mains sagement croisées , nous laissent voir son alliance
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CROS (63) : PORTRAIT - Photographie anonyme. Collection M.B
Je vous présente Marie BOYER épouse AUBERT, née à CROS (63) le 23 mai 1860. La voici, à la fin de sa vie, assise sur une chaise placée dans l’encadrement de la porte de sa maison.
Toute de noir vêtue , elle est restée fidèle à une mode de coiffe assez ancienne. Son bonnet , profond , dissimule complètement sa chevelure. Il est a deux rangs de fins tuyautés , repassés avec une orientation différente . On distingue parfaitement la calotte de deuil qui masque totalement le fond de la coiffe.
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LABESSETTE (63) : 1890 - Photographie collection JCB
C'est vraisemblablement à l'occasion du passage d'un photographe ambulant , durant l'année 1890 , que la famille GAY du Montel de Labessette se fit "immortaliser".
En prenant la décision de la réalisation de cette photographie , le patriarche François GAY très avant-gardiste pour son époque , n'imaginait certainement pas que , près de 130 années plus tard , nous serions aussi nombreux à le contempler , prenant la pose , entouré des siens.
Que ses descendants , qui ont la gentillesse de partager avec nous ce précieux témoignage en soient ici remerciés.
Chacun a donc revêtu , pour la circonstance , ses vêtements de " dimanches".
Au centre du cliché , vous l'aurez compris , se trouve , le "chef de famille " , François GAY , né en 1827 avec à son coté , son épouse , Anne MONESTIER (1841) ; sur leur droite , deux de leurs enfants , Antoine et Michel. Et enfin sur leur gauche , leur sœur et belle-sœur Antoinette MONESTIER , née ,elle en 1831.
Intéressons-nous aux dames , pour commencer , comme il se doit.
Toutes deux portent une robe à la mode du moment . On peut observer le haut de celle de Anne ; la coupe en est près du corps et l'ouverture sur l'avant en est fermée par de petits boutons ( ce qui est fort "moderne" , les hauts de robes plus anciens étant souvent seulement épinglés). Les jupes sont amples et longues , masquées en partie par le tablier qui perdure encore à cette époque sur le costume de sortie. Contrairement au tablier de travail , il n'a ici qu'une fonction d'apparat , masquant également l'ouverture de la jupe qui se trouve alors sur l'avant .
Antoinette arbore quant à elle ,par dessus son haut de robe ,une petite veste droite ornementée de velours de soie noir. Il s'agit de la veste du" petit costume" dont la vogue fut lancée par l’impératrice Eugénie quelques trente années plus tôt.
Les deux femmes sont coiffées du bonnet bergère à deux rangs de fins tuyautés de leur jeunesse . Comme toutes les paysannes de leur condition et de leur génération , leur coiffe est suffisamment profonde pour masquer complètement leur chevelure. Anne et Antoinette sont elles , blondes ou brunes ? grises ou blanches ? Nous ne pouvons le dire .Cette nécessité de cacher les cheveux , imposée par le clergé offrait néanmoins la possibilité aux femmes de vendre une fois l'an leurs nattes , sans que cela ne soit visible.
Mais revenons à nos deux modèles d'un jour ; Antoinette , encore elle , a rajouté sur son bonnet une pailhole assez richement agrémentée de velours de soie noir.
Chacune a noué un mouchoir , autour de son cou ; n'y voyez aucune coquetterie particulière mais plutôt un signe de bon sens. Ce mouchoir absorbera la transpiration et garantira de la salissure l’intérieur du col de la robe qui ne sera que très rarement lavée à grande eau.Il remplace la guimpe ou col " de propreté" que l'on peut très souvent observer sur les photographies.
Je serai beaucoup moins bavard sur les messieurs . rassurez vous.
Je dirai juste que le patriarche , certainement assez à l'aise financièrement , a pu abandonner la petite veste droite , à la française de sa jeunesse ; il porte un costume sombre de facture récente . Ses deux fils sont aussi habillés selon la mode du moment . Tous trois , à la demande du photographe ont abandonné leurs couvres chefs respectifs .
Un détail qui a son importance , et qui va à l'encontre de la représentation habituelle et souvent erronée que l'on veut bien nous faire des costumes paysans du XIX eme siècle : point de lourds sabots de bois , mais des souliers pour tout le monde . Il s'agit ici d'un costume de dimanches, pas d'un costume de travail.
Une dernière remarque : si vous comparez les tonalités des vêtements des protagonistes de ce cliché avec le noir du velours de soie de la pailhole ou de la petite veste d'Antoinette , vous constaterez, que contrairement aux idées reçues , en 1890 le vestiaire populaire était loin d’être uniformément noir.
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LARODDE (63) : Vers 1900 - Photographie collection A.R
Je vous présente Françoise MEALLET épouse DIF , née à Larodde le 31 mai 1855 . Ce portrait a vraisemblablement été réalisé dans les toutes premières années du XX éme siècle.
Françoise arbore un bonnet-rond à double rang de tuyautés de diamètres moyens . Sa coiffe impeccablement repassée et amidonnée est posée sur la chevelure coiffée en deux bandeaux qui passent sur les oreilles avant de former un chignon plat sur l'arrière . Nous sommes ici en présence d'une mode intermédiaire , entre les premiers bonnets tuyautés très emboitants apparus en Artense aux alentours de 1830 et les dernières coiffes , portées très en arrière ( à l'effrontée) dont le tuyautage redressé formait comme une auréole encadrant le visage.
Le large nœud clair, noué autours du cou de Françoise ne fait pas partie de sa coiffe ; il s'agit d'une sorte de cravate dont la mode fit rage aux quatre coins de la France à cette période.
Le corsage , de couleur foncée , est travaillé à petits plis. On distingue parfaitement à la taille le lien du tablier .
On ne peut en tous les cas ,qu’être admiratif de l'élégance et du coté impeccable de sa coiffure.